Barcelone, Madrid et la ferveur contagieuse des Espagnols

Ouf, trois jours pour souffler ou presque! Puisque dans l’équipe organisatrice de la Marche en Espagne, on compte bon nombre de cameramen aguerris et disponibles, me voilà (à mon plus grand soulagement) au chômage technique! Je peux enfin défiler au premier rang, tenir la banderole et être sur la photo comme les autres! Waow!

Vendredi:
Première rencontre dans une école avec une cinquantaine d’enfants venus nous écouter. La salle est silencieuse et les gamins nous regardent la bouche ouverte, sérieux et concentrés. Leurs questions, intelligentes et simples, nous désarment: “Pourquoi avez-vous choisi la paix comme thème?” Heu, c’était tellement évident que nous ne savions plus quoi répondre! “Est-ce qu’il y aurait moins de guerres s’il n’y avait plus de religion?”. J’ai répondu que, selon moi, ce n’étaient pas tant les religions qui étaient responsables des guerre mais leur interprétation par les hommes et leur instrumentalisation à des fins personnelles ou politiques.

A 18 heures, départ de notre marche à Barcelone.
Puisque je suis dispensée de vidéo, je peux me promener parmi les participants et les milliers de marcheurs venus nous rejoindre jusqu’en queue de cortège. Je quitte le premier rang pour aller à la rencontre de tous ces marcheurs et discuter avec eux. Et que de beaux échanges! Je pense à ce groupe de Français par exemple, venus de Paris, de Toulouse ou de Marseille pour nous soutenir et ajouter leurs pas aux nôtres. Quel bonheur que de pouvoir communiquer en français et de voir le visage de ceux qui nous suivent quotidiennement sur nos blogs. Ils ont roulé des centaines de kilomètres dans leur petit fourgon blanc pour célébrer cette journée avec nous. Merci les amis, du fond du coeur merci!

J’ai été sidérée d’apprendre au fil de la journée, de la bouche d’au moins 50 personnes, que mes vidéos étaient regardées avec assiduité et parfois même montrées dans les écoles ou les conférences. J’ai aussi appris que l’une d’elles avait été présentée au Sommet des Prix Nobel de la Paix à Berlin. Quand on est seul derrière son ordinateur à monter un petit film amateur au milieu de la nuit, on ne doute pas une seconde de l’impact qu’il peut avoir sur les autres et dans leur cœur. Et combien de personnes m’ont serrée dans leurs bras pour me remercier de leur transmettre l’énergie de l’espoir et de la joie, de leur donner la “niaque” ou la “patate” pour d’autres… Je suis tellement heureuse de découvrir que mes petits films de 3 minutes sont capables de transmettre cette phénoménale énergie d’enthousiasme et de tendresse entre ces milliers d’hommes et de femmes que nous croisons chaque jour. Ces “retours” positifs et plein de chaleur me donnent à mon tour “le combustible” de sentiments et d’humanité dont j’ai besoin pour donner du sens à mon travail et continuer mon travail jusqu’à Punta de Vacas. Alors merci pour ces partages qui me comblent.

Samedi 9 heures, la gaffe!
Après une courte nuit de sommeil, nous partons à l’aube pour Madrid, en train. Nous arrivons à la gare où nous sommes accueillis par les familles des victimes de l’attentat du 11 mai qui a couté la vie à plus de 300 personnes en 2004. Quand tout à coup, survient la gaffe! Dans l’euphorie de notre arrivée, quelques-uns d’entre nous (Allemands et francophones) n’ont pas capté la gravité de cette rencontre. Nous étions convaincus qu’il s’agissait d’une Xième banderole de bienvenue! Avec mes deux camarades allemand et plein d’allégresse, nous avons commencé à chanter à tue-tête “L’hymne à la joie” de la 9ème de Beethoven, tout sourire et fanions frétillants… Nous n’avons même pas remarqué que seulement 120 personnes autour de nous prenaient un air grave et faisaient une tête…d’enterrement! Soudain, un ami est venu discrètement vers moi pour me signaler de la solennité de cet instant. Nous nous sommes arrêtés de chanter “sec”, ce qui ne faisait pas très naturel non plus et nous nous sommes platement excusée auprès des familles des victimes en les serrant dans nos bras. Je crois que sous le coup de l’émotion, elles n’ont pas remarqué notre impair et c’est tant mieux! Mortifiée par la culpabilité, je me suis rattrapée en me recueillant profondément quelques minutes plus tard sur le lieu du monument érigé en hommage aux victimes. Et “voilà ti” pas que le jeune orchestre recruté pour l’occasion se met à jouer…. vous savez quoi? …la 9ème de Beethoven, l’Hyme à la Joie! C’est-ti pas beau la vie?
Cette vie me disait: “Isabelle, tu as manifesté ta joie, quelles que soient les circonstances. Tu n’as rien à te reprocher. La joie est l’essence du monde et le fait tourner.”

Samedi 16h:
Et nous voilà derrière notre banderole madrilène! Madrid, nous marchons avec toi! Plus de 1000 personnes dans le cortège et beaucoup de chaleur grâce à la présence de notre bien-aimé Rafael de la Rubia, porte-parole et créateur de la Marche, citoyen du monde domicilié dans la capitale. Le public espagnol est non seulement présent physiquement mais aussi est-il habité par les principes de la Marche et les convictions qui sont les nôtres. Leur marche est déterminée et engagée. Leurs pas sont décidés et ils savent où ils vont. Ces Espagnols-là n’ont pas besoin de nous suivre. Ils sont déjà en route depuis longtemps.

Retour à l’hôtel où nous il nous est offert un massage pour nous requinquer! Quelle idée géniale! Nos dos souffrent du poids des sacs et des valises et nos genoux commencent à grincer. Je reçois un vigoureux soin de Paco dont la poigne virile et hispanique me remet d’aplomb!

Pour une fois, je me donne le droit de sauter l’activité du soir pour me donner le temps d’écrire ces lignes et de faire malgré tout… une petite vidéo sur l’Espagne, d’un autre genre et à la quelle je n’ai pas résisté…
Bon baiser et bonne nuit plein d’étoiles dans les yeux.

Une vidéo de Miguel Angel Castano