L’adieu au “pas de deux”

eclosionC’est dans le car qui nous conduit du Pérou au Chili, à travers le désert de l’Atacama, que j’écris ces mots…

La Marche aura été exigeante avec nous, impitoyable parfois comme aujourd’hui, en ce qui me concerne. Depuis le début, elle m’a donné de la pâte à pétrir que j’ai transformée de mon mieux en petits pains au sucre… Mais en ce moment, il m’est demandé de faire une brioche dorée quand je suis encore assommée par le coup de faucille qui a moissonné hier, le soir de  Noël, le blé de sa farine.

Mon compagnon vient de m’annoncer son intention de mettre fin à notre relation. L’orage était déjà menaçant avant mon départ pour la Marche mondiale  (qu’il a soutenue pleinement) et nous étions tous deux d’accord que cette action tombait au mieux pour prendre de la distance et faire le point à mon retour.

Malheureusement, mes petits pas et nos libertés respectives n’ont pas réussi à sauver notre couple. “La distance est à l’amour ce que le vent est au feu: elle éteint le petit et ravive le grand”.

Je dois donc faire mes adieux à quatre années de bonheur tranquille que j’ai construit en faisant le choix de gouter au meilleur de notre relation malgré notre lecture différente du monde et les problèmes que nous pouvions rencontrer liés à des facteurs extérieurs sur lesquels nous avions peu de contrôle. “Nous sommes aussi heureux que nous décidons de l’être” déclarait un jour Abraham Lincoln.

« Il n’y a que deux façons de vivre sa vie : l’une en faisant comme si rien n’était un miracle, l’autre en faisant comme si tout était un miracle » a écrit Albert Einstein.
Je partage pleinement cette philosophie et je découvre qu’elle peut être insupportable pour d’autres qui préfèrent interpréter la vie sous l’angle du drame permanent.

J’étais heureuse d’avoir enfin trouvé et co-créé la paix à deux. Mais je fais la douloureuse expérience que ce n’est pas parce que deux êtres aspirent ensemble à la paix qu’ils partagent la même recette de fabrication. J’ai fait le même constat au sein de notre équipe de base: nous n’étions pas deux à partager la même définition de la paix ni même à s’accorder  sur la manière de la promouvoir. Malgré cela, l’énergie de notre mission a été plus forte que nos divergences internes et nous récoltons déjà les fruits de nos efforts.

Je me sens impuissante devant l’amour qui déserte le cœur d’un homme. Aucune marche, aucune épée, aucune épopée ne peut reconquérir des sentiments qui battent en retraite. Je laisse donc pitoyablement mon destrier, mon armure et mon bouclier à l’écurie. Il y a des conquêtes auxquelles il faut avoir la force ou la sagesse de renoncer.

Il me reste donc une semaine pour transformer avec mes pas l’ivraie de mon chagrin en graines de confiance. D’abord accepter, même dans l’incompréhension. Puis donner du sens à sa souffrance en la transmutant, en lui donnant de la hauteur au-delà des reproches, de la colère et des ressentiments. Je vais jardiner dans le potager de mes émotions sans condamner “Dame limace” mais en prenant soin des feuilles qui restent bonnes.
Enfin, toujours et encore, garder les bras grands ouverts malgré la plus solide énigme de ma vie: mon futur proche. Je rentre en Suisse sans emploi, sans sécurité matérielle ni affective. Sans projets réels. En même temps, tous est possible et le monde est à réinventer. En cas de besoins, je sais que je peux compter sur le soutien de ma famille et cela me touche profondément.  Je vais également me consacrer à la réalisation d’un documentaire personnel de 45 mn sur la Marche Mondiale. Peut-être m’aidera-t-il aussi à transmuter mon plomb en or?

Ainsi, tandis que nous traversons le désert de l’Acatama, j’entreprends la traversée de mon désert à moi. La découverte de son jardin d’Eden ne passe-t-elle pas obligatoirement par le contact avec le “rien”, le “je ne sais pas”, “je ne sais plus”? Je crois que ce sont dans ces instants où l’horizon est aussi plat qu’une règle d’écolier qu’il nous est possible de nous tourner vers les cimes multiples de nos ressources intérieures. Je vous dirai, dans quelques mois je l’espère, quels monts je vais pouvoir embrasser à nouveau.

J’ai hésité à partager cette épreuve intime sur mon blog. Mais je m’étais faite la promesse de vivre cette Marche dans la sincérité et la transparence la plus totale auprès de mes lecteurs. Car une marche se vit sur tous les plans. On ne peut priver la jambe droite de la jambe gauche sous prétexte que l’affaire est trop intime. J’ai décidé que dans le cadre de mon expérience avec la Marche Mondiale, tout devait être mis sur la table du boulanger pour être pétri en croissants dorés… Aussi, mes amis et ma famille seront ainsi tenus au courant et cela m’épargnera la tâche pénible de raconter 100 fois une histoire qui me fait mal…

Comme la vie est curieuse avec ses aller-retours continus, de la joie la plus intense aux grands chagrins… Mais je bénis chaque états d’âme qu’il soit agréable ou non. Les états d’âme ne sont-ils pas nos meilleurs outils pour sentir pleinement la vie palpiter en nous?

isabelle_jacquesJIP

Jacques, merci pour ces quatre années de bonheur au cours desquelles l’oiseau migrateur que je suis à pu nicher dans le creux de ta main bienveillante dans la joie, la paix et la sécurité d’une immense et complice affection. Isabelle

7 Responses to L’adieu au “pas de deux”

  1. Yvette 27 décembre 2009 at 11 h 19 min #

    Dans le bis d’une montagne valaisanne j’ai déposé il y a un peu plus d’une année un bateaux fabriqué sur place. J’ai glissé un petit billet ” Pour Isabelle et Jacques” en confiant votre Amour… Le ruisseau a emporté mon message qui c’est perdu quelques part dans les remous du bis…peu importe…C’est les moments partagés, les moments heureux, les moments donnés qui comptent. De cela rien n’est perdu…Maintenant tout peut commencer…
    Avec affection
    Je t’embrasse fort
    Yvette

  2. Christine 27 décembre 2009 at 23 h 19 min #

    Bon courage Isabelle, tu es tellement belle, même dans ta souffrance, tu donnes du sens à tout, tu es sur un véritable chemin initiatique que tu ouvres pour nous, dans tous les domaines, tant la paix et la non violence sont nécessaires partout. Encore une fois mille merci, tout ce que tu engendres de beauté dans toutes les réactions que je peux lire… nous avons vraiment besoin de gens comme toi qui sont dans l’acceptation, dans la confiance et dans la foi et qui le partagent. Je suis sincèrement très touchée par le don de ton intimité au moment où tu vis ce passage douloureux. Puissent tous ceux qui vivent des séparations, te lire, s’en sentir réconfortés et jeter l’amertume pour pétrir eux aussi ces croissants dorés.
    Garde ton courage et ta belle confiance en la Vie, les portes continueront toujours de s’ouvrir au moment où il le faut.
    Merci encore pour ce que tu nous donnes
    Avec toute mon affection
    Christine

  3. claudie 28 décembre 2009 at 2 h 24 min #

    Chère Isabelle,

    tu sais, c’est incroyable… je t’attends à Punta de Vacas où je suis depuis déjà quelques jours, je t’attends toi spécialement et je le commentais il y a quelques minutes à Dany : pour te dire un si profond merci dont la seule pensée me renverse d’émotion. Nous venons de montrer ta video de Colombie à de proches amis… et nous parlions de ton âme si belle… Et puis étrangement, m’est venu en présence un petit nuage, comme au-dessus de ta tête, et derrière lui, une grande grande ouverture… J’ai voulu chasser cette sensation un peu bizarre mais du coup je suis venue voir ton blog, voir comment tu allais…
    Ainsi donc la Marche continue d’être ce condensé de vie, avec ses épreuves, ses surprises, ses chagrins et ses espoirs…
    Je te sais très bien entourée, je sais que les amis trouveront les mots, les gestes, et la présence pour t’aider à traverser ce désert en ne cessant jamais de penser à cet immense futur qui s’ouvre devant toi. Je sais que ta vie sera encore et encore emplie d’amour et d’affection car tu en es l’incarnation si dense…
    Regarde… je t’écris ces mots tout en même temps que je lance des Demandes intenses pour toi… dans ce lieu sacré qui n’a pas son pareil en aucun point de la planète… et les cieux me répondent, comme toujours, dans un changement de couleurs incroyables… Des nuages sont devenus tout dorés tout en s’effilant…
    Tu le sais : tu n’es pas seule et ne le sera jamais.
    Je t’embrasse fort fort
    claudie

  4. goyet celebic 30 décembre 2009 at 20 h 10 min #

    coucou Isou,

    Comme je suis paresseuse, mais bon avec 2 boys et un job à temps plein et un mari au Liberia…c’est ma maman qui me donnait de tes nouvelles…car elle te suit grâce à planet positive !!!! Je suis bien peinée de savoir votre séparation, mais suis ABSOLUMENT confiante, à 200%, que tu continueras ton chemin, doucement et surement !

    Bisous et bon courage pour ta marche interieure et exterieure !!!
    Je t’embrasse et à bientôt j’espère
    Sophie (amie du pays de l’Arche)

  5. Olivier Clerc 1 janvier 2010 at 12 h 26 min #

    Chère Isabelle,
    1er janvier, envie de lire de belles nouvelles, je me connecte sur ton site…
    Et là, le choc : je lis ton billet ci-dessus.
    Vous êtes tous les deux très chers à mon coeur, et c’est donc avec un pincement de coeur que j’apprends cette nouvelle. Pour être passé par là voici 14 mois à peine, je sais que c’est parfois la seule solution…
    Je t’envoie toute mon affection et mon soutien. Ta marche symbolise à mes yeux le cheminement qui est le tien et qui visiblement va encore se poursuivre longtemps !
    Je t’embrasse,
    Olivier

  6. gwen 4 janvier 2010 at 0 h 41 min #

    que les premiers pas aprés la Marche soit ceux du renouveau et de l’espoir.

  7. Colette Hein Vinard 7 janvier 2010 at 0 h 58 min #

    Isabelle chérie, et toi aussi, Jacques très cher, vous êtes tous deux dans mon coeur. Merci d’être vrais, sincères, chacun dans votre quête du sens et de l’essentiel. Les moments privilégiés partagés avec vous dans le sublime Désert m’avaient révélé ce qui vous unissait comme ce qui vous séparait. Vous avez suivi ensemble, côte à côte, un beau chemin d’amour et de respect réciproque. Même si aujourd’hui la souffrance inonde le paysage de vos coeurs, chacun de vous repart dans le tourbillon de la vie enrichi de l’autre, j’en suis convaincue : ton texte magnifique, Isabelle, en est une preuve flamboyante. Soyez bénis tous les deux. Je vous aime, et ne suis de loin pas la seule!

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